top of page

RÉUSSIR SON CASTING / SA SELFTAPE : BARRY KEOGHAN ET ROBERT DE NIRO

Dernière mise à jour : 2 sept.

« Il est statistiquement prouvé que les joueurs n'ont la balle

que trois minutes en moyenne par match.

Le plus important, c'est donc ce que vous faites

pendant ces 87 minutes où vous n'avez pas la balle. »

Johan Cruyff, footballeur international néerlandais.


Réussir son casting et sa self tape



Contrairement à ce que l'on pourrait penser, un acteur ne passe pas ses journées à participer à des castings ou à l'envoi de self-tapes. Pour une moyenne haute concernant les petits rôles (1 à 4 jours de tournage sur un projet), la fréquence se situerait plus aux alentours d'une à deux fois par mois. Parfois plus, parfois moins.

Les métiers d'acteurs et de footballeurs se rejoindraient donc sur ce point : dans les deux disciplines, le temps effectif de jeu est somme toute assez réduit.

Lors du casting, deux problèmes se présentent alors :

  • du fait que l'acteur passera "87 minutes sans la balle", il sera susceptible de se sentir un peu rouillé, et aura besoin de quelques prises pour retrouver ses sensations ; ;

  • il sera tellement en attente d'obtenir le rôle qu'il sera parasité par la volonté de plaire et en oubliera ce pour quoi il est là : présenter le travail qu'il a effectué sur la scène et le personnage et rester réactif aux indications du/de la directeur.trice de casting.


Paradoxalement, vouloir obtenir le rôle lorsque l'on passe le casting est la dernière chose à faire.

Pour une raison simple : hormis la qualité du jeu que vous proposerez, vous n'aurez le contrôle sur rien d'autre. Comme le dit justement Bryan Cranston (l'acteur principal de Breaking Bad), « le processus décisionnaire qui fait que nous obtiendrons le rôle ou non ne nous appartient pas ». Outre le talent, d'autres paramètres entreront en compte : la correspondance physique entre le personnage et vous (âge, taille, etc), vos disponibilités, l'aspect bankable (est-ce que vous êtes susceptible d'être assez identifié par le public pour attirer des gens en salle), etc.

Aussi, la chaine décisionnaire est large, et chacun des maillons qui la constitue aura une opinion : le directeur de casting, le réalisateur, le producteur, le diffuseur, le distributeur, le client (si c'est de la publicité), etc.


L'acteur n'a aucune emprise sur tout cela. Il serait donc dommage de se parasiter à essayer de contrôler ce qu'on ne peut pas contrôler. En revanche, ce que l'on peut contrôler, c'est de crever l'écran dès qu'on entend "action". Ce que l'on peut contrôler, c'est d'optimiser au maximum nos « trois minutes de jeu ».


Faire une vraie proposition de personnage, rester à l'écoute des indications, en bref, faire ce pour quoi on est doué: jouer la comédie.

Que cela soit en self-tape, ou en casting en présentiel.


LA SELF-TAPE : BARRY KEOGHAN POUR LE RÔLE DE THE RIDDLER

(THE BATMAN, M.Reeves, 2022)


Très pratique et de nos jours très prisée par les directeurs.trices de casting, la self-tape est le procédé qui permettra à un acteur de passer un casting sans avoir à se déplacer.


Se filmant le plus souvent avec son propre téléphone en mode paysage devant un fond uni, l'acteur enverra une courte présentation (nom, prénom, âge, date de naissance, agence artistique, etc), puis jouera la scène qu'on lui a envoyé, et enverra le tout par mail/wetransfer au directeur de casting en espérant un éventuel « call-back » (deuxième rendez-vous pour le même rôle).


Pour le rôle de The Riddler dans The Batman, Barry Keoghan a ainsi fait parvenir une self-tape pour le moins particulière à Cindy Tolan, la directrice de casting du projet.


Ayant une idée bien précise de ce qu'il imaginait pour le rôle, il a envoyé deux à trois minutes d'un plan séquence sans parole (lien Youtube en description), où il arbore un costume semblable à ceux des personnages des Droogies dans Orange Mécanique, avec le chapeau melon, le costume à bretelles, et la canne.

Au ralenti, avec en fond sonore la Danse Macabre, Op 40, de Saint-Saëns, Barry Keoghan sort d'un ascenseur, déambule dans un couloir d'hôtel d'une manière à la fois détendue et très menaçante, disparaît au coin d'un couloir, et revient vers la caméra, réemprunte ce couloir, mais cette fois-ci avec une trace de sang sur la joue droite et un air de tueur fou dans le regard puis disparait.


Rien de tout ça bien sûr n'était demandé ni sur la scène que Cindy Tolan lui avait fait parvenir, ni sur la "casting sheet" (ce qu'un acteur reçoit comme information pour un casting, outre la scène à jouer). Mais Keoghan a quand même décidé d'envoyer cela en guise de self-tape.


Au final, bien que Matt Reeves ait finalement attribué le rôle du Riddler à Paul Dano, il a été si séduit par la proposition de Keoghan, qu'il lui a confié le rôle du Joker dans le film.

Pourquoi ? Bien que nous n'ayons pas interrogé Matt Reeves sur le sujet, nous présumons que l'audace et la pertinence de Keoghan ont payé.


Ceci étant dit, il ne faut pas confondre audace et arrogance. Si vous décidez de sortir des sentiers battus de la scène telle que vous l'avez reçu, il faut que ce soit pertinent. Vous pouvez éventuellement proser deux scènes : celle que l'on vous a envoyé et dont vous respecterez le texte à la lettre, et autre chose de plus personnel, la vision que vous auriez de votre personnage.


Etre audacieux peut donc être très payant lors des casting. Tant que l'audace sera mise au service de la pertinence et du projet, bien entendu.



LE CASTING EN PRÉSENTIEL : ROBERT DE NIRO POUR LE RÔLE DE SONNY CORLEONE

(LE PARRAIN, F.F. Coppola, 1972)


Si vous avez vu le Parrain, le premier du nom, vous savez que Robert De Niro ne figure pas au casting du film. Et pourtant, il a bel et bien été casté pour le rôle de Sonny Corleone, et avec lui une bonne partie des jeunes acteurs de l'époque.


Ses essais (lien Youtube en description) sont tout simplement phénoménaux.

Cerise sur le gâteau: si vous êtes attentif, vous remarquerez qu'il a même le texte en main, et pourtant il crève l'écran.


Son aisance lors de ce casting est déconcertante. Bien que parfaitement concentré, il n'est pas dans la recherche d'obtenir le rôle, mais propose simplement sa vision du personnage de Sonny. Entre les prises et en tant que personnage, De Niro se montre très détendu, sûr de son talent, sans toutefois tomber dans l'arrogance. Il est tout simplement dans son élément.


Quand on l'entend interagir avec Coppola et Fred Roos (le directeur de casting du film) entre deux prises, on ne voit pas un jeune acteur tremblant de désir d'obtenir un rôle, mais des professionnels essayant de déterminer s'ils vont travailler ensemble sur un projet à venir. De Niro a optimisé à la perfection les "trois minutes de jeu effectif" dont parlait Cruyff.


Malheureusement, il ne correspondait pas au rôle. Coppola et les studios lui ont préféré James Caan, qui faisait plus homme mûr que De Niro.


Cela dit, deux plus tard, Coppola a fait appel à lui pour incarner Vito Corleone jeune dans Le Parrain II. Parce que selon les propres dires du réalisateur, lors du premier casting, De Niro l'avait littéralement bluffé, ainsi que toute l'équipe technique ce jour-là.


Nous avons choisi d'illustrer cet article par ces deux exemples pour une raison précise: dans aucun des deux l'acteur n'a été retenu pour le rôle pour lequel il avait été casté. Keoghan était casté pour incarner The Riddler, et a fini par incarner le Joker, De Niro a été casté pour incarner Sonny Corleone, et a fini par incarner Vito Corleone dans Le Parrain II.

Comme quoi, vous ne savez pas l'issue d'un casting avant de le passer. Il faut donc y aller à fond, point à la ligne.


Et « les 87 minutes restantes » dont parlait Cruyff, celles qui sont selon lui les plus importantes ? Que doit en faire un acteur ?


La philosophie de QUATRIEME MUR sur la question est simple : continuer sans relâche à travailler ses gammes, pour que lorsqu'il se présentera à un casting ou enverra une self-tape, la première impression soit époustouflante. Il s'agira de développer sa culture cinématographique en regardant des films, en lisant des ouvrages sur le métier, et bien sûr en jouant la comédie: travailler des scènes, participer à des projets ou en initier, que cela soit au théâtre ou au cinéma. Petit à petit, un réseau se crée, le nom de l'acteur circule, et les propositions se feront de plus en plus fréquentes.


C'est comme cela que, lors du moment tant redouté du casting, vous capitaliserez au maximum sur "vos trois minutes de jeu effectif", et montrerez toute l'étendue de votre talent dès lors que l'on vous aura enfin fait la passe décisive.


Après tout, trois minutes, ça peut paraitre peu, mais c'est peut-être pile ce dont vous aurez besoin pour propulser votre carrière vers le firmament.




Commentaires


bottom of page