NE SACRALISER PERSONNE, RESPECTER TOUT LE MONDE: MARGOT ROBBIE ET LE CASTING DU LOUP DE WALL STREET

"Si deux hommes ont toujours la même opinion,

L'un d'eux est de trop."

Winston Churchill

Une des erreurs qu'un acteur débutant peut faire lors de ses premières expériences sera de sacraliser ses interlocuteurs professionnels, et d'ainsi être pétrifié à l'idée de sortir des clous, de mal faire.

Au début de sa carrière, un acteur peut ainsi être amené à sacraliser :

-son partenaire de jeu, a fortiori s'il s'agit d'un(e) acteur.trice célèbre;

-le réalisateur;

- le ou la directrice de casting.

Alors, l'acteur, soucieux de ne pas froisser qui que ce soit, adoptera un comportement obséquieux. Et fort logiquement, chacun de ces castings se soldera par un échec.

Certes, ce directeur.trice de casting que vous rencontrez aujourd'hui a casté un nombre incalculable de films et séries. Mais ce qu'il attend, ce n'est pas un écolier qui a peur de mal faire. Ce qu'il veut voir, c'est un acteur qui porte un personnage, qui sait réagir à ses indications et qui a les épaules pour supporter la pression d'un tournage.

Il veut avoir affaire à un professionnel.

Certes, le réalisateur célèbre avec lequel vous allez tourner a un CV long comme le bras. Mais s'il vous a choisi, ce n'est pas pour vous faire plaisir, mais parce que vous correspondez au personnage qu'il avait en tête. Votre travail l'a séduit.

Il veut avoir affaire à un professionnel.

Certes, l'acteur célèbre avec lequel vous allez jouer une scène clé du film a une plus grande filmographie que vous. Mais si vous avez été casté et retenu pour le rôle, c'est que vous aussi, vous en avez sous le pied. Alors faites vous confiance et ne craignez pas de jouer avec lui. Après tout, c'est votre partenaire de jeu, non ?

Rappelez-vous: vous n'avez pas usurpé votre place, vous êtes un professionnel.

Ces différents interlocuteurs sont vos collègues de travail. Certes, de par leur plus grande expérience, ils sont susceptibles de proposer des choses plus intéressantes que vous, mais votre personnalité et le fait que vous ayez travaillé dur pour en arriver là font que vous êtes tout aussi légitime que les autres, vous pouvez les surprendre et améliorer ce qu'il y aurait éventuellement d'améliorable.

Il ne faut pas avoir peur de mal faire. Il faut participer activement, et non pas passivement, tel un spectateur devant ses idoles.

Faire un film, c'est parfois rechercher le meilleur angle sur une scène. Le chemin n'est pas tracé tout droit tout propre. Il faut savoir écouter et également proposer.

Il est normal de se sentir impressionné lors de ses premières expériences. Mais il ne faut pas se laisser dominer par cette émotion. Il faut la maitriser. Rappelez-vous que lors du générique final, votre nom et le leur seront mis bout à bout, tous ensemble, parce que c'est l'addition de tous ces talents qui a fait le film, et pas uniquement un individu.

Chacun de ces interlocuteurs professionnels est donc ni plus ni moins qu'un éventuel futur collègue de travail. Il faut donc ne sacraliser personne et respecter tout le monde.

Margot Robbie lors du casting du Loup De Wall Street (Martin Scorsese, 2013). A ce moment-là, l'Australienne, bien qu'ayant déjà un début de carrière dans son pays natal, n'avait pas encore explosé aux Etats-Unis. Lors du casting, elle devait jouer avec DiCaprio lui-même la scène de la dispute.

A-t-elle sacralisé Leonardo DiCaprio ? Sûrement pas. Alors que ce n'était pas prévu dans les didascalies, elle lui a retourné une tartasse dans la face à vous en décoller un bridge.

Résultat: elle a obtenu le rôle. Parce qu'elle a montré qu'elle était capable de rester pertinente, quelle que soit la pression. Qu'elle avait trouvé la nature impulsive, sanguine du personnage et qu'elle avait eu le cran d'aller au bout.

Elle a ainsi rassuré ses interlocuteurs -si toutefois c'était nécessaire- quant à ses capacités à rester pertinente et créative dans ses propositions quelle que soit la pression. C'est ça que l'on guette en casting. Car les enjeux d'un tournage sont trop importants, les paris sont risqués: pour un rôle important, on ne castera jamais un acteur susceptible d'exploser en vol quand la pression est trop importante.

Et la boucle est bouclée: au début de sa carrière, DiCaprio encore adolescent a du tenir la dragée haute à Robert De Niro dans Blessures Secrètes (Michael Caton-Jones, 1993). Il suffit de voir son travail dans le film pour s'apercevoir qu'il ne s'en est pas laissé compter. Et qui sait? Dans 10-15 ans, un acteur ou actrice devra prouver qu'il ne se laisse pas impressionner lors d'un casting en donnant la réplique à Margot Robbie. Et ainsi de suite...

Il faut oser. Oser ne pas avoir peur de mal faire, de froisser, de déplaire.

Les professionnels, comme n'importe qui d'autre, n'ont pas particulièrement d'admiration pour les personnes obséquieuses. Ils veulent travailler avec des acteurs ayant du répondant, et de l'humilité. Et surtout, des acteurs capables de supporter la pression gigantesque d'un tournage. Les professionnels veulent travailler... avec des professionnels.

Chez QUATRIEME MUR, nous poussons les acteurs à se comporter en professionnels. A ne pas avoir peur d'essayer. A ne pas avoir peur d'affirmer leurs opinions tout en respectant la proposition initiale. Si la proposition de l'acteur est plus intéressante que la proposition initiale, nous la garderons. Si ce n'est pas le cas, nous serons satisfaits d'avoir pu essayer puis éliminer la piste en question.

Car il est toujours trop tard lorsqu'on est sur le banc de montage, de se dire "j'avais eu l'idée sur le plateau, mais j'ai pas osé".

Osez.

Osez ne sacraliser personne tout en respectant tout le monde.